Auteur : Cellule de Communication du Réseau des Femmes Leaders pour le Développement (RFLD)
RFLD, est une organisation d’Afrique subsaharienne qui possède une expertise dans la collaboration avec les acteurs étatiques, les médias, et les organisations de la Société Civile. Nous intervenons à travers le plaidoyer, le développement de politiques, la formation, en intégrant le genre et en promouvant l’espace civique, les droits des femmes, la justice climatique, les droits économiques des femmes.
Email du Secrétariat : admin@rflgd.org
L’union entre la liberté d’expression, de réunion et la démocratie dans un Etat constitue une réalité ancrée dans la culture politique de type occidental disait Gingras. Plus que toute autre institution digne du nom, les médias, canal d’information sûr et respecté symbolisent la liberté d’expression et demeurent un ingrédient très important et non négociable en démocratie. C’est pourquoi toute restriction des médias libres est systématiquement perçue comme une menace à la démocratie.
Par ailleurs, dans une démocratie libre, tout peut se penser, et donc se dire, puisque sans la liberté de dire et de penser, il ne peut y avoir de vérité. La liberté d’expression et d’opinion est un droit reconnu par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme en son Article 19. Toutefois, à l’image de toute autre liberté qui n’est pas un droit absolu, la liberté de librement s’exprimer sur tel ou tel autre sujet politique ou de la société, bien que garantie dans toute société démocratique, s’exerce dans les limites définies qui, loin d’être définies par les lois fondamentales se trouve restreindre par les politiques. On dira que les restrictions de la liberté d’expression et de presse sont aussi dépendantes du régime politique en place.
Et le Togo n’échappe pas à cette réalité. Quelles politiques efficaces et transformatrices pour changer les choses ? dans cette rédaction, on abordera dans un premier temps les verrous imposés à l’exercice de la liberté d’expression et de réunion puis dans un second temps les conditions de légitimité aux limitations de ces libertés et pour finir nous ferons quelques recommandations pour un espace civique apaisé.
Un état des lieux inquiétant ?
Liberté d’expression, cet ingrédient chère et précieux à la démocratie dans un pays de droit est en péril depuis quelques années en Afrique. Au Togo, la liberté d’expression est protégée par plusieurs instruments régionaux et internationaux de référence que les gouvernements ont eux-mêmes ratifiés des années de luttes durant. « Toute personne a droit à l’information, droit d’exprimer ses opinions dans le cadre des lois et règlements » : d’après ces textes, l’exercice de la liberté d’opinion ou d’expression a des limites qui disposent que le droit à la liberté comporte des responsabilités spéciales et des devoirs spéciaux.
Conséquemment il peut être soumis à certaines restrictions qui doivent être toutefois fixées par la loi c’est-à-dire être justifiées par la sauvegarde de la sécurité nationale, le respect des droits d’autrui et à la sauvegarde de la moralité publique. Cependant, ces dernières années une série de sanction contre les médias a remis en cause la question de liberté d’expression et de réunion au Togo. Nonobstant les fondements légaux évoqués par les autorités pour justifier ces sanctions, la question est de savoir si la liberté d’expression n’est pas menacée au Togo ou si les décisions prises sont fondées. Bien évidemment, la liberté d’expression au Togo a du plomb dans l’air.
La liberté d’expression mise à rudes épreuves
En aout 2019, le législateur a voté une nouvelle loi qui restreint très sévèrement la liberté de manifester et donc d’expression. Il s’agit de la Loi N° 2019-009 portant sur la sécurité intérieure qui élargit les prérogatives du ministre public chargé de l’administration territoriale à prescrire des mesures restrictives de la liberté de presse et d’expression à travers le contrôle des sites Internet et des services de communication en ligne. Et pour justifier cette mesure quoique contraire aux dispositions internationales et régionales ratifiées par le pays, les autorités ont évoqué comme raison qu’il s’agit des mesures sécuritaires.
Cette loi intervient alors que le pays se trouvait déjà secoué par une crise politique entre 2017 et 2018 soldée par de nombreuses manifestations qui réclamaient la démission du président et la limitation du nombre de mandat présidentiel. Pour le président de la ligue togolaise des droits de l’homme, avec une telle loi, c’est surtout la liberté de manifester qui est bafouée. Il s’agit là d’une disposition qui va à l’encontre de l’article 30 de la loi fondamentale du pays qui stipule que « l’Etat reconnait et garantit la liberté de manifestation ». 54% des togolais pensent qu’ils doivent faire attention à ce qu’ils disent en publique sur les sujets politiques.
Mieux, caméras au point, micro à la main ou appareil photo au cour sous de chauds soleils, les journalistes togolais sont à la recherche de l’information et souvent l’accès à cette information n’est pas du tout chose aisée. Aujourd’hui, le Togo semble sombrer en matière de liberté d’expression. Les données statistiques de plusieurs enquêtes réalisées en disent long. Que ce soient celles des rapports du Baromètre des Médias Africains ou des classements du Reporteur Sans Frontière de 2013 à 2020, le Togo enregistre un grand recul en ce qui concerne la liberté d’expression et des médias. A en croire les données statistiques de Baromètre des Médias Africains lors d’une enquête menée en 2017, la liberté d’expression n’est pas effective au Togo.
Il est difficile aux citoyens de dire ce qu’ils pensent ou d’aborder librement certains sujets sensibles surtout quand ceux-ci ont trait à la politique. En période de crise, le Togo connaît par moment la réduction de certaines libertés comme la fermeture de certains journaux et radios ou des coupures d’Internet. Des menaces pèsent toujours sur la liberté d’expression au Togo, et les journalistes continuent d’être la cible de mauvais traitements (Baromètre des Médias Africains). Le chemin reste encore long.
Quelles pistes pour une liberté d’expression efficaces ?
La liberté d’expression revient à la liberté de se faire une opinion sur n’importe quel sujet d’actualité, de la diffuser mais aussi de recevoir celle d’autrui. N’importe qui dans une démocratie doit pouvoir avoir le droit de dire et de penser ce qu’il veut. Quand l’expression est interdite c’est là où elle devient véritablement dangereuse. Il y a des critiques que les autorités au pouvoir doivent pouvoir tolérer dans l’espace démocratique. C’est à la fois inaudible et en même temps c’est nécessaire pour la construction d’une nation.
Et si la liberté d’expression ou d’opinion est importante pour tout citoyen, elle l’est aussi nécessairement pour la société dans sa globalité. Au plan individuel, l’Etat doit garantir à tout citoyen le besoin d’exprimer son opinion ou se faire une idée. Car les opinions ne disparaissent pas si on interdit les discours. Au contraire c’est alors qu’elles fleurissent dans une espèce de ressentiment que peuvent devenir extrêmement nocives. Et donc la question, c’est comment est-ce qu’on peut faire pour réintroduire la liberté d’expression au Togo et décrisper la tension ? Premièrement, le premier rôle revient à l’Etat central.
Les autorités togolaises doivent s’engager à ce que l’environnement civique soit apaisé. Et pour cela, la levée des restrictions des libertés due à la nouvelle loi est une des conditions déterminantes. L’Etat doit, de commun accord avec toute la classe politique togolaise organiser une assise nationale pour répertorier les apports des uns et des autres pour une sortie de crise. Aussi, dans un système ou la parole devient source de tension où de plus en plus de gens se sentent muselés, il faut ouvrir des dialogues intercommunautaires pour permettre aux communautés à la base de donner son avis. L’objectif sera que le pouvoir parvienne à entendre toutes les couches de la société.