Quels rôles pourraient jouer les médias pour mettre fin aux mutilations génitales en Afrique de l’Ouest ?

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Cet article est rédigé par le Réseau des Femmes Leaders pour le Développement (RFLD).

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Les mutilations génitales féminines font partie des réalités les plus virulentes en Afrique. Malgré les nombreuses campagnes de sensibilisation et la mise en place de dispositions juridiques pour éradiquer le phénomène, il est tout à fait évident que les MGF sont toujours d’actualité. La situation des MGF est telle qu’il faut une plus grande mobilisation pour en arriver à bout. Justement, dans ce travail de mobilisation pour l’éradication des MGF les médias ont un grand rôle à jouer. Proche des communautés à la base et canal de diffusion privilégié et respecté de l’information, les médias sont une alternative incontournable pour sensibiliser, informer et éduquer les populations sur les dangers liés aux MGF.

Implication des médias dans la lutte contre les MGF : État actuels dans quelques pays de l’Afrique de l’Ouest

En Afrique en général, la Presse est un pouvoir. Son rôle primaire est d’informer, mais au-delà, il s’agit d’un canal d’éducation très performant. S’il en est ainsi, c’est surtout parce que les médias, la radio principalement, sont au cœur du développement local. La presse est pratiquement le centre vers lequel convergent tous les démembrements de la société. Pendant que dans les milieux les plus évolués, les réseaux sociaux et les plateformes numériques ont pris la place des canaux traditionnels d’information, dans les zones rurales, les villages, les hameaux, etc., la radio est le seul moyen d’information. C’est elle qui permet de se connecter au monde, de savoir ce qui se passe et surtout de se divertir. C’est justement conscient de cet été de chose que la vulgarisation des politiques publiques passe par ce canal. Mieux, dans tout projet de sensibilisation de la population sur un phénomène majeur, la radio est le moyen d’information le plus utilisé.

Malgré cette force, dans le cas des MGF, l’implication des médias dans la lutte n’est pas vraiment une réalité. Les politiques de sensibilisation pour l’éradication des mutilations génitales en Afrique de l’Ouest ont une très faible portée. Il est vrai que des avancés sont remarqués et que l’abandon des mauvaises pratiques est constaté, mais parce que la presse est quasiment absente sur le terrain, les MGF continuent toujours de sévir. Assurément, la quasi-démission de la presse dans la mobilisation contre le phénomène est l’une des choses qui justifient la persistance du problème malgré la résolution des États de le combattre.

Qu’est-ce qui explique la faible implication des médias ?

En Afrique de l’Ouest, la faible implication des médias dans la lutte contre les mutilations génitales est due à 2 causes fondamentales : la réalité culturelle et le manque de moyens.

À propos de la première cause, il faut commencer par présenter le contexte culturel pour mieux comprendre de quoi cela retourne. À cet effet, il faut signaler que la presse est intrinsèquement liée aux réalités culturelles du territoire dans lequel elle est informe. Au-delà du travail professionnel qui est fait, chaque station de presse installée dans un milieu donné est souvent assujettie à la norme culturelle en vogue dans la région. Et cela se remarque sur deux plans : le premier est le penchant du professionnel des médias pour la défense des valeurs de son milieu de vie. Ce constat se fait surtout dans les zones rurales où, pour passer l’information, le journaliste est appelé à utiliser la langue locale pour communiquer. La maitrise parfaite de la langue étant un challenge, la plupart des médias sont obligés de recourir à une main-d’œuvre locale pour assurer cette tâche. Finalement, le journaliste qui est appelé à informer, sensibiliser et par la suite éduquer est un ressortissant de la même localité. Il lui est donc difficile de prendre une position contraire, même s’il a été témoin des affres des MGF. Quelle que soit sa nouvelle conviction, l’implication dans la lutte se révèle être un risque de déni de sa culture. Pire, il peut rapidement s’attirer les foudres des autochtones gardiens de la tradition pour qui il ne sera pratiquement plus le bienvenu. Le second plan de la manifestation de l’assujettissement de la presse aux normes culturelles est relatif à la quête d’audience. En effet, tout organe de presse vit de son audience. Notez qu’un organe de presse est avant tout une entreprise, et une station de radio par exemple qui n’est pas suivie n’a aucun moyen de rentabiliser son investissement. Or, se mettre en tête de front pour éradiquer les MGF est une manière de gratter les sensibilités et de s’exposer à une défiance. Conséquence, l’audience de la station de presse chute, ce qui ne l’arrange pas vraiment.

À propos du manque de moyen

En Afrique, quel que soit l’engagement des médias, un problème vient freiner la détermination à s’impliquer pour la fin des MGF. Ce problème est le manque de moyen. Il s’agit ici essentiellement du manque de fonds et d’outils techniques. En effet, lutter contre les MGF impose au professionnel des médias une descente sur le terrain pour d’abord enquêter, mais ensuite recueillir les avis avant de s’investir dans la sensibilisation. Or, dans la plupart des pays africains, rares sont les médias autonomes disposant d’assez de moyens pour se lancer dans une telle aventure. Ceci les oblige à ne faire que le minimum ou carrément, laisser le terrain vide.

Implication des médias dans la lutte contre les MGF : quel idéal prôner ?

Pour mettre fin aux mutilations génitales en Afrique de l’Ouest, il est évident que les médias sont un pilier. Mais face à leur difficulté, il faut commencer à mettre en place certaines garanties pour permettre aux professionnels de s’investir réellement et faire bouger les lignes.

La première garantie est celle de l’accompagnement. Cet accompagnement doit couvrir tant le champ de la formation que celui de l’assistance technique. En effet, pour permettre aux médias d’informer, de sensibiliser, d’éduquer les populations afin que ces derniers abandonnent une fois pour toutes les pratiques abjectes que sont les MGF, il faut commencer à former les journalistes et tous ceux qui d’une manière ou d’une autre, doivent intervenir dans le processus. Ceci peut se résumer à quelques ateliers dont le bit est de leur donnée toutes les armes pour expliquer les dangers des MGF. La formation doit aussi servir de base pour mettre en place un réseau de professionnel des médias spécialisés dans les questions des MGF de sorte permettre au journaliste de se retrouver dans une initiative d’ensemble. Au-delà, la formation doit aussi permettre au journaliste de vaincre les barrières culturelles et de l’amener à oser pour corriger les travers de la société dans laquelle il vit. Ensuite, l’accompagnement doit consister à donner au professionnel des médias les ressources techniques dont il a besoin pour faire son travail de terrain et mieux toucher ses cibles. Par ailleurs, des outils plus performants permettront d’atteindre beaucoup plus de personnes et donc de faire un travail de qualité.

Équipés, quels rôles pourraient jouer les médias ?

Les médias doivent avant tout dynamiser leur stratégie d’information. La première arme à utiliser ici est la création d’émissions radio thématiques. Poury arriver, les médias peuvent organiser des émissions publiques avec des experts dans les questions des MGF pour toucher directement la population, démystifier le tabou et biser les pratiques relatives aux MGF. Les médias peuvent aussi, par la même occasion, offrir à la population la chance de constater par elle-même, sur la base des témoignages recueillis au cours des enquêtes, les affres des MGF. Les médias peuvent enfin servir de moyens de dissuasion.

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