Auteurs : GBENAGNON John, Responsable des droits de l'homme du RFLD et ENIAYEHOU Florence, Directrice du suivi, de l'évaluation et de l'apprentissage du RFLD
En septembre 2023, un événement capital a eu lieu au cœur de l’Afrique. La Retraite féministe régionale francophone, organisée au Bénin par le Réseau des Femmes Leaders pour le Développement (RFLD), a réuni des militantes et féministes passionnées de toute l’Afrique de l’Ouest et centrale. Ce rassemblement a non seulement souligné la résilience des mouvements féministes de la région, mais a également mis en lumière les défis persistants auxquels sont confrontées ces organisations dans leur quête de l’égalité des sexes et des droits humains.
RFLD, un réseau dynamique de femmes luttant pour leurs droits, a reconnu qu’il n’y a pas de meilleur moment que maintenant pour s’attaquer aux problèmes profonds qui entravent le progrès des femmes dans cette partie vaste et diversifiée du monde. La retraite a servi de plateforme pour favoriser le dialogue, partager des expériences et forger de nouvelles stratégies pour relever ces défis de front.
L’objectif général de cette réunion régionale était de donner aux bénéficiaires les moyens de promouvoir et de protéger les droits de l’homme, et d’encourager les États membres et autres parties prenantes à s’engager en faveur de la réalisation des droits de l’homme et de l’expansion de l’espace civique.
- Partage des connaissances : la retraite visait à créer une plate-forme permettant aux participants de partager leurs connaissances, leurs expériences et leurs meilleures pratiques dans le domaine des droits de l’homme et de l’espace civique dans leurs pays respectifs. Cet échange d’informations a permis aux participants d’apprendre les uns des autres et d’avoir un aperçu des stratégies et approches efficaces.
- Renforcement des capacités : La retraite visait à renforcer les capacités des femmes dirigeantes et militantes en proposant des formations et des ateliers sur une variété de sujets liés aux droits humains et à l’espace civique. Ces sessions ont couvert des domaines tels que les techniques de plaidoyer, les cadres juridiques, l’activisme numérique et la constitution de coalitions. En dotant les participants de nouvelles compétences et connaissances, la retraite visait à leur donner les moyens de devenir des défenseurs efficaces du changement dans leurs communautés.
- Réseautage et collaboration : La retraite a offert une occasion unique aux femmes dirigeantes et militantes de réseauter et de se connecter avec des personnes et des organisations partageant les mêmes idées et travaillant dans le domaine des droits de l’homme et de l’espace civique. Grâce à des séances de réseautage formelles et informelles, les participants ont pu nouer des relations, favoriser la collaboration et explorer des partenariats potentiels pour amplifier leur impact collectif.
- Développement de politiques et de stratégies : la retraite visait à générer des discussions et des délibérations sur le développement de politiques et de stratégies visant à faire progresser les droits de l’homme et l’espace civique. Les participants se sont engagés dans des groupes de travail et des séances plénières pour identifier les principaux défis.
- Plaidoyer et sensibilisation : La retraite visait à renforcer les efforts de plaidoyer et à sensibiliser à l’importance des droits de l’homme et de l’espace civique. Les participants ont discuté de stratégies de plaidoyer, de techniques de communication et de messages efficaces pour promouvoir les droits des femmes et l’engagement civique au sein de leurs communautés et au-delà.
- Solidarité et soutien : La retraite a favorisé un sentiment de solidarité et de soutien parmi les femmes dirigeantes et militantes, reconnaissant les défis uniques auxquels elles sont confrontées dans leur travail. En créant un espace de dialogue sûr et inclusif, les participants ont pu trouver des encouragements, de l’inspiration et un soutien mutuel pour poursuivre leurs efforts visant à promouvoir les droits de l’homme et à élargir l’espace civique.
L’un des problèmes les plus urgents abordés lors de la retraite était le rétrécissement de l’espace civique des organisations féministes dans la région. En Afrique de l’Ouest comme en Afrique centrale, les militantes féministes se retrouvent souvent sous la pression constante des forces conservatrices et patriarcales. Ces forces remettent en question la légitimité des mouvements féministes, restreignent leur capacité à agir librement et soumettent même les militantes au harcèlement et à la violence.
Une préoccupation majeure soulevée lors de la retraite concernait les restrictions juridiques et sociales strictes auxquelles ces organisations sont confrontées. De nombreux pays de la région disposent de lois restrictives qui limitent les activités des ONG, en particulier celles qui défendent l’égalité des sexes et les droits humains. Ces lois freinent non seulement la croissance de ces organisations, mais ont également un effet dissuasif sur le militantisme dans son ensemble.
De plus, la menace de violence et de harcèlement pèse lourdement sur les militantes féministes en Afrique de l’Ouest et centrale. La violence sexiste, notamment les agressions physiques et psychologiques, les abus en ligne et les menaces, sont devenues trop courantes. Ces menaces non seulement font taire les militants, mais en dissuadent également beaucoup de rejoindre le mouvement, perpétuant ainsi une culture de peur et d’intimidation.
Les participants à la retraite ont reconnu que relever ces défis nécessite une approche sur plusieurs fronts. Les solutions présentées lors de la retraite étaient aussi diverses que les participants eux-mêmes, reflétant la riche mosaïque d’expériences et de stratégies uniques à la région. Certaines solutions clés ont émergé des discussions :
- Renforcer la solidarité régionale : La retraite a souligné l’importance de renforcer les liens entre les organisations féministes de la région. En partageant leurs expériences, leurs ressources et leur expertise, ces groupes peuvent collectivement lutter contre les gouvernements restrictifs et les forces conservatrices.
- S’engager avec des organisations internationales : Le partenariat avec des organisations internationales et des groupes de défense des droits de l’homme peut fournir aux mouvements féministes d’Afrique de l’Ouest et centrale l’effet de levier nécessaire pour contrecarrer les lois et pratiques oppressives. Construire une solidarité mondiale peut également exercer une pression diplomatique sur les gouvernements pour qu’ils respectent les droits de l’homme.
- Réforme juridique et plaidoyer : les militants présents à la retraite ont souligné l’importance de travailler à la réforme des lois restrictives. Cela implique de collaborer avec les législateurs, d’éduquer le public et d’utiliser les voies légales pour contester les pratiques discriminatoires.
- Autonomiser les communautés locales : il est crucial de bâtir des alliances et de s’engager avec les communautés locales. En favorisant la sensibilisation, le dialogue et la compréhension, les organisations féministes peuvent obtenir un soutien local et contribuer à dissiper les idées fausses sur leur travail.
- Activisme numérique : compte tenu de l’augmentation du harcèlement en ligne, l’activisme numérique et la sécurité ont également été mis en avant. Donner aux militants des outils de culture numérique et de cybersécurité peut les aider à se protéger tout en maintenant une forte présence en ligne.
La retraite féministe régionale francophone de septembre 2023 a été une lueur d’espoir face à l’adversité. Les défis auxquels sont confrontées les organisations féministes en Afrique de l’Ouest et du Centre sont réels, mais la retraite a montré qu’ils ne sont pas insurmontables. En fait, ces défis ont galvanisé les militants et les organisations, les conduisant à un engagement renouvelé en faveur du changement.
La retraite a souligné l’idée que le féminisme ne connaît pas de frontières et qu’il prospère grâce à l’unité, à la détermination et à la résilience. La lutte pour l’égalité des sexes et les droits humains en Afrique de l’Ouest et du Centre est peut-être un défi, mais elle est loin d’être terminée. La retraite témoigne du fait que, même face à l’adversité, ces courageuses militantes sont prêtes à affronter le monde pour garantir que les droits de chaque femme soient reconnus, respectés et protégés.